Ce n'est pas de la science-fiction : depuis près d'un an, ce n'est plus l'homme qui distribue les transports au CHU de Dijon, mais un calculateur dédié.
"Compte tenu de l'évolution de l'activité, et malgré les capacités de nos régulateurs, nous devions aller plus loin en terme de réactivité dans un contexte de réduction d'effectifs", explique Jean-Yves Gerbet, responsable du service de transport des patients.
Le service a donc installé le module Optiale, en complément du logiciel de gestion et de régulation des demandes de transport (internes, externes, de matières, etc.) PTAH de la société
Géosoft Aquitaine.
Ce module a permis au service de mettre en place une stratégie d'ordonnancement (régulation) en "juste à temps". Cette stratégie consiste à attendre que le brancardier ait terminé sa course avant de lui en donner une autre. Le logiciel sélectionne la course à donner selon des critères de temps et de distance. "Le brancardier reçoit la course la plus proche de lui, pour limiter le trajet à vide, et/ou celle qui permet son arrivée au plus près de l'heure du rendez-vous", explique Jean-Yves Gerbet.
Ce calcul parait simple, mais est inaccessible aux régulateurs humains lorsqu'il s'agit de gérer 850 transports par jour. D'autant que d'autres paramètres entrent en compte : "on ne gère pas des brancardiers comme des taxis, souligne Jean-Yves Gerbet. Les demandes ne sont pas distribuées sur le principe du premier arrivé/premier servi, mais en fonction de niveaux de priorité qui ont été définis pour les différents flux de patients." Une demande de transport pour le bloc opératoire en urgence passera ainsi devant d'autres demandes moins pressantes.
Le service, qui dispose aujourd'hui de 61 équivalents temps plein (ETP), a déjà rendu deux postes et prévoit d'en rendre au total 8 à 10. La précision des calculs d'Optiale a en effet permis d'augmenter la productivité des brancardiers, mesurée grâce au "coefficient d'optimisation".
Pour un brancardage avec retour à vide, ce coefficient est de 2 (1 pour le transport, 1 pour le retour). Avec un régulateur humain, ce coefficient oscillait entre 1,4 et 1,5 : pour un transport de 8 minutes, le trajet à vide avant une autre course atteignait 4 minutes. Aujourd'hui, ce coefficient est tombé à 1,2. "Cela veut dire que pour un trajet de 8 minutes, on ne se déplace à vide que 1,5 ou 2 minutes, c'est une grosse plus-value", souligne le responsable du service.
Cette optimisation, assure Jean-yves Gerbet, n'a pas servi à augmenter fortement le nombre de transports et la pression sur les brancardiers. Au contraire, "à activité égale, la distance parcourue est passée de 15 à 10 kilomètres par jour", a-t-il calculé.
Les brancardiers ont aussi vu leurs relations avec les services s'améliorer, puisque les retards sont plus rares. En quelques semaines, la ponctualité des transports a augmenté de 25%. En donnant une seule course à la fois au brancardier, le logiciel peut calculer précisément à quelle heure il part du point A et à quelle heure il arrivera au point B. "Avant, on donnait 2 ou 3 courses aux brancardiers pour les occuper pendant 30 minutes, mais suivant l'ordre dans lequel ils faisaient les courses, certaines pouvaient prendre du retard", rappelle le responsable.
Le service a rendu un poste de régulateur et fonctionne maintenant avec deux régulateurs par jour. Leur rôle a évolué : ils n'ont plus cette tâche d'ordonnancement, mais sont toujours présents pour répondre par téléphone aux questions des services et pour gérer les transports de convocation et les transports externes.
Ce dernier point pourrait aussi évoluer : le CHU, l'Agence régionale de santé Bourgogne et l'Assurance maladie réfléchissent à la mise en place d'une plateforme pour gérer les transports qui sortent du CHU, puis dans un second temps des autres établissements de la région. "L'idée serait de faire ce qu'on fait avec les brancards en interne avec les entreprises de transport sanitaire et de taxi à l'extérieur", indique Jean-Yves Gerbet. Réduire les trajets à vide de ces véhicules serait une source importante d'économies, pronostiquent les acteurs régionaux. /mb