(Par Geneviève DE LACOUR)
PARIS, POITIERS, 17 avril 2020 (TecHopital) - Les équipes du CHU de Poitiers ont participé à 3 transferts de patients Covid du Grand Est et d'Ile-de-France vers la Nouvelle-Aquitaine, nécessitant pour cette grande première une organisation militaire même si elle s'est faite à la dernière minute.
"Du jour au lendemain, l'agence régionale de santé (ARS) nous a sollicités pour participer au transfert des patients Covid-19 du Grand Est vers la Nouvelle-Aquitaine. On nous a demandé de constituer 2 des 6 équipages du TGV accompagnant 4 patients par wagon", a expliqué le 15 avril à TecHopital, Geneviève Gaschard, directrice technique du biomédical au CHU de Poitiers.
Les trains des 2e et 3e transferts allaient directement au lieu de chargement pour un retour direct vers Poitiers. Ainsi, lors du dernier transfert qui a eu lieu le 10 avril, 2 équipages venaient de Poitiers, un de La Rochelle, un autre de Niort et 2 étaient parisiens.
Mais aussi les batteries de secours, des multiprises, etc. "Il faut penser à tout avant le départ", a-t-elle indiqué.
Dans ce genre d'opération commando, chaque équipage volontaire part avec son propre matériel, "matériel qu'il a fallu trouver en urgence, la veille pour le lendemain. Or, ces équipements, nous ne les avions pas en stock. Nous avons dû récupérer du matériel dans les services fermés en raison de l'épidémie", a fait remarquer Geneviève Gaschard.
Le patient a été transporté de sa chambre d'hôpital vers le TGV avec le matériel de Strasbourg ou de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), puis sur le quai de la gare, le matériel est échangé avec celui de l'équipage qui va l'accompagner. "On déconnecte le patient et on le reconnecte. Cela se fait sur le quai", précise la directrice. "Même chose en gare d'arrivée s'il doit y avoir un changement d'équipage."
Dans le wagon à deux étages, la cabine du haut est propre, c'est la "base-vie" et celle du bas est "la zone patient".
"Nous avons appris par la suite qu’une seconde rame était attachée à la première, avec à son bord un groupe électrogène de secours et 10 techniciens, pour parer à tout problème technique. La SNCF a mis en place une grosse intendance technique afin de pouvoir réparer rapidement toute panne éventuelle. Par précaution, chaque train était équipé de 200 à 300 bouteilles d'oxygène, en cas d'arrêt du train sur les voies". La vitesse des trains a également été adaptée pour éviter les secousses.
Lors du premier voyage, la SNCF n'a pas eu le temps d'aménager le wagon, et d'enlever le haut des sièges. Les patients étaient donc posés sur les têtes de siège en hauteur, et "le fait que les patients soient en hauteur a énormément gêné les soignants. Les perfusions ne passaient pas bien, et s'il fallait faire un massage cardiaque, le patient était trop haut", a-t-elle complété.
Il faut dire qu'"un transfert comme celui-ci est lourd pour le patient. Son organisme est mis à rude épreuve.
"Lors du premier transfert, nous avions oublié de donner de l'eau aux équipages", a regretté Geneviève Gaschard. Et puis, "comme le premier transfert a été organisé du jour au lendemain, nous n'avons pas eu le temps de recharger les batteries de secours", si bien que "certains équipements se sont mis en défaut". A bord d'un TGV le courant n'est pas continu. Or, de grosses quantités d'énergie sont nécessaires pour faire fonctionner les respirateurs, tous les équipements qui maintiennent le patient en vie.
D'un point de vue logistique, l'organisation s'est aussi améliorée lors des deux derniers voyages. Une personne a été postée entre la zone de vie et la zone patient. Du coup, lorsqu'il fallait aller chercher du matériel en zone non contaminée, "cela a beaucoup facilité le travail des équipes".
Dans les 15 premiers jours de l'épidémie, une gestion beaucoup plus rigoureuse du matériel a été mise en place au CHU de Poitiers. Pour savoir exactement où était le matériel, "nous avons exigé que toute demande passe officiellement par le service biomédical. Nous nous sommes mis en mode militaire, nous n'avions pas le choix".
A Poitiers, "nous disposons de 3 types de respirateurs : les respirateurs d'anesthésie, les
gros respirateurs de réanimation et des respirateurs de transport. Ce sont ces respirateurs de transport, qu'on trouve au Samu, dans les salles de réveil, etc., qui étaient éligibles pour la prise en charge des patients Covid. Mais il fallait les remplacer dans les services. Nous sommes donc allés chercher des petits respirateurs, plus anciens, que l'on a mis en mode transport. Nous avons un peu fait les fonds de tiroir", a expliqué la directrice technique.
"Tous les CHU ont opéré ce glissement du matériel en interne. D'autres structures nous ont prêté du matériel. C'est ainsi que nous avons réussi à augmenter nos capacités, à la fois par un apport interne mais aussi une aide externe."
L'entraide entre les établissements fonctionne bien également. "Cette gymnastique, tous les établissements l'ont fait. Chaque profession et société savante possèdent son réseau qu'elles sollicitent par chat, sur WhatsApp par exemple, en partageant les difficultés, les équipements en tension".
Interrogée sur cette première française de patients transférés par TGV, la directrice de Poitiers considère qu'il s'agissait d'un "vrai travail d'équipe réalisé avec le chef de gare, la SNCF qui a été formidable, les gendarmes, les ambulanciers".
"L'efficacité, l'esprit d'équipe, étaient très forts. C'était une belle aventure humaine dans un contexte très particulier, avec un engagement de tous les corps de métiers, des techniciens, des ingénieurs biomédicaux et une collaboration forte avec tous les soignants", a-t-elle conclu.
Critères d'éligibilité des patients Les transferts de patients de réanimation atteints du Covid-19 sont décidés sur des critères d'éligibilité précis. Le Pr Julien Pottecher, responsable des unités de réanimation chirurgicale et de surveillance continue du service d'anesthésie-réanimation chirurgicale de l'hôpital de Hautepierre, qui participe à la cellule de crise des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) a expliqué le 14 avril à APMnews (site du groupe APM International dont fait partie TecHopital) qu'il s'agit de patients "pas trop graves", qui ne devaient plus nécessiter d'être en décubitus ventral pour respirer, ni sous Ecmo (oxygénation par membrane extracorporelle, ou poumon artificiel). Au total, 168 patients du territoire ont été transférés, précise le Pr Pottecher. |
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